J’ai toujours ressenti beaucoup de méfiance pour ce mot de « pureté », au nom duquel tant d’atrocités ont été pensées, formulées et commises. Je fais partie de ceux qui considèrent que la richesse nait du mélange, ce que prouve, à mes yeux, toute l’histoire de la vie et de la sexualité, qui est le moyen efficace que l’évolution a mis en oeuvre pour assurer le brassage génétique.
J’ai pourtant été encore tout récemment fasciné par une voix de mezzo-soprano, et la notion de pureté m’est encore venue à l’esprit, comme cela m’est arrivé sur l’écoute d’une œuvre, sur l’activité d’un sportif… La pureté peut être souhaitable ?
Oui, sur la constatation suivante : à l’apprentissage d’une technique, et je crois n’importe quelle technique, il y a toujours une première phase de progression rapide, puis une sorte de « palier » dans l’apprentissage, ou tout progrès devient plus pénible, nécessite toujours plus d’heures de pratique.
Je l’analyse ainsi : durant la première phase, en général assez jouissive, nous acquérons la technique qui nous fait défaut. Ainsi à l’instrument, comme je l’ai vécu au piano, à la clarinette, mais aussi au solfège sur l’apprentissage d’une clé nouvelle, ou encore à la direction d’orchestre.
La deuxième phase, plus difficile, plus exigeante, consiste à se débarrasser de tous les gestes inutiles qui polluent la technique acquise. Ainsi à l’instrument, tout mouvement de doigt qui ne participe pas au trait vient le ralentir ou casser le rythme. Toute gestuelle inutile du corps vient perturber le message du chef d’orchestre. Toute hésitation, tout bafouillage au déchiffrage d’une partition, dans n’importe quelle clé, constitue un écueil dans la phrase musicale.
De même dans l’écriture, il me semble, tout paragraphe, phrase ou mot superflu nuit à la chose écrite (mais ceci est certainement très discutable, je pense à Proust, à Balzac… la concision des nouvellistes n’est peut-être pas l’idéal pour tout, même si c’est le mien).
En cela nous pouvons parler de pureté : pureté du geste, de la concentration, pureté dans la mise en œuvre de la technique acquise : c’est-à-dire absence des gestes en trop, des mots en trop, qui nuisent au but que s’est fixé l’interprète ou l’artisan.
Mais pureté du vivant : bof… Il ne faut pas prêter à la nature, aux races, une intention qui n’existe pas. Ce qui s’y apparente n’en est qu’une instrumentation de l’intention de quelques uns. Blond plutôt que brun, blanc plutôt que café au lait ? Toutes les précautions que l’on peut prendre à la formulation de ces concepts ne les débarrasseront jamais de leurs graves abus. Seuls les dénoncer, les combattre, et défendre la richesse du mélange et de l’échange pourra aboutir à une réalité acceptable.